N° 7 Modifications
corporelles
384 pages, illustré, couleur, Épuisé.
Intégralité du numéro en ligne, voir sommaire ci-dessous.
Le marquage des chairs à
des fins esthétiques, identitaires
ou politiques (tatouages, piercings, scarifications,
implants, amputations, etc.), la chirurgie,
le transsexualisme, les biotechnologiques,
l’entraînement sportif et le dopage,
constituent autant de pratiques visant à
modifier un corps qu’il s’agit
d’amplifier, d’embellir, de réparer
ou d’altérer.
Ces effractions parfois radicales, ces blessures
volontaires, ces inscriptions éphémères
ou définitives, visibles ou secrètes,
posent la question de l’acceptable et
du respect de la norme corporelle.
Elles ouvrent la perspective concrète
d’esquiver ou d’infléchir
le destin biologique et social. Les stratégies
identitaires s’incarnent alors dans
l’effacement ou la revendication des
différences, la quête ou le refus
des canons esthétiques.
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Sommaire
Philippe Liotard
Corps
en kit
Philippe Liotard
Frédéric
Baillette
David Le Breton
Prune Chanay
Ron Athey (entretien
avec Philippe
Liotard)
Frédéric Baillette
Ian Geay
Loïc Wacquant
|
Loïc Wacquant
Stéphane
Proïa
Maxence
Grugier
Esméralda
et Maxence Grugier
Stelarc
Bruno
Rouers
Anne
Marcellini
Marie-Jean-Bernard Moles
Philippe
Liotard
Roland
Villeneuve
Véronique
Poutrain
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Autres textes disponibles sur le web, pour prolonger la réflexion
Bernard Andrieu
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Dans la
presse
Dominique
Aussenac, Le Matricule
des Anges, n° 48
Novembre 2003
Trois ans que Quasimodo
ne nous donnait plus de nouvelles. Après
« Art à contre-corps »
et « Fictions de l'étranger
», la revue qui donne la parole
à ce corps « qui heurte
les sensibilités, provoque le
malaise, la répulsion, et bien
souvent la haine » et «
fait affront au corps légitime
» publie son septième numéro
consacré aux modifications corporelles.
Sujet difficile, dérangeant que
l'équipe rédactionnelle
présente sans tabou et d'une
manière très exhaustive.
Philippe Liotard, sabre au clair, un
brin provocateur, décrit dans
les deux premiers chapitres comment
le corps répond aux normes et
pratiques de perpétuation d'un
ordre social, explicitant les modifications
corporelles comme « des changements
de l'acceptable à travers ce
corps en kit livré aux interventions
des artisans de la chair, comme à
celles des experts du vivant ».
Elles ouvrent les perspectives des corps
fantasmés du troisième
millénaire dont certains «
mutants » travaillent à
accélérer le mouvement.
Au-delà du tatouage et du piercing,
pratiques de plus en plus acceptées
par nos sociétés, la scarification,
le branding qui consiste à brûler
certaines parties du corps ou les bodmods
(contraction de body modifications)
heurtent encore les sensibilités.
Pourtant si le rapport à la douleur
peut être perçu comme masochiste,
n'en est-il pas de même pour le
sport ? Mais ce qui paraît le
plus gêner dans ces pratiques,
c'est l'absence de finalités
suprêmes, l'inutilité,
voire la vanité des démarches.
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Durant sa maîtrise
en anthropologie, Rachel Reckinger a étudié
le body piercing à Rome et s'interroge
sur la finalité : auto-mutilation
révoltée ou expression culturelle
? Des pierceurs, elle explique que «
par-delà l'individualisation exacerbée
», leur pratique traduit «
leur désir d'être acceptés
tels qu'ils se présentent »
et veulent « mener une vie "archi-normale"
au sein d'une société capable
d'envisager l'altérité comme
expression d'une autre forme de normalité.
» Et si ces pratiques étaient
générées par le manque
de sens de nos sociétés
? Un corps insensé pour une société
sans sens ?
Du rapport du corps à la loi, en
passant par les organisations pileuses
et les positions politiques, la réinvention
de l'humain dans un futur sur-technologique,
Quasimodo a le courage de questionner
notre société, là
où ça gratte, démange
et le fait avec brio. L'iconographie,
la mise en page, très créatives
révèlent de multiples talents,
notamment ceux de Beb Deum et Erik D.
Panavières. Le corps, c'est super,
mais nos âmes dans tout ça
? À la manière de Jean Tardieu,
on aurait bien envie de répondre,
elles sont toujours malades, les printemps
étaient trop verts, elles ont mangé
trop de salade ! |
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Jean-Marc Adolphe, Mouvement,
n° 25
Novembre-décembre 2003
Chirurgie esthétique,
piercing, tatouage : des pratiques aujourd’hui
communément répandues.
Comment les appréhender au-delà
des représentations que véhicule
un certain effet de mode. La dernière
livraison de la revue Quasimodo (après
trois ans de silence) dépasse
de loin les poncifs qui fleurissent
généralement sur le sujet.
Car il s’agit ici d’aborder
le sujet des « modifications corporelles
», l’enjeu n’est pas
de dresser un catalogue du bizarre,
mais de cerner en quoi des pratiques
travaillent « les imaginaires
sociaux de l’orthodoxie corporelle
». Au carrefour de la construction
singulière de soi et de l’appartenance
(ou du refus d’appartenance) à
une socialité, les mutations
de la corporéité permettent
en effet de repérer, comme le
souligne Philippe Liotard dans son texte
introductif, « les logiques sociales
qui se jouent autour des conflits portant
sur la norme corporelle ». |
Le désir d’effraction
qui caractérise le marquage des
chairs, le choix d’une apparence
non conforme ou encore des hybridations
mutantes du cyborg manifestent en effet
un état de « fluctuation
des genres » qui pose la question
de l’acceptable et du souhaitable,
déstabilisant l’emprise d’un
contrôle moral, politique et esthétique
des corps.
Dans la lignée d’un remarquable
travail éditorial commencé
en 1996, Quasimodo réunit des contributions
acérées mais jamais jargonneuses
(Frédéric Baillette, David
Le Breton, Loïc Wacquant, Marie-Jean-Bernard
Moles, Roland Villeneuve…) ; et
on voyage en 380 pages au gré des
modifications corporelles avec d’autant
plus de délectation que les textes
sont accompagnés d’une iconographie
soignée. |
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Ce qui suscite d’abord
la curiosité, à feuilleter
le très épais numéro
7 de la revue Quasimodo, c’est
assurément la luxuriante iconographie.
Il faut d’ailleurs l’avouer
: les multiples photographies, peintures
et dessins titillent aussi bien les
tendances voyeuristes les moins avouables
qu’une saine curiosité
quant aux enjeux soulevés par
la « notion de normalité
corporelle ». Mais Quasimodo est
avant tout une revue traitant des très
vastes problématiques liées
au corps (de sa modification à
son enfermement, de son exploitation
à sa destruction). Plus précisément
pour ce numéro, il s’agit
d’explorer « la large palette
des modifications corporelles contemporaines
» : piercing, branding, chirurgie
esthétique, hybridation homme/machine,
biotechnologies, « réparations
», mais aussi maquillage, régimes,
musculation… Quelles sont les
logiques sous-jacentes à toutes
ces activités visant à
transformer le corps ? |
Quasimodo aborde la question
par le biais d’articles inattendus
(« Organisations pileuses et positions
politiques »), plus classiques («
Réparation des corps "anormaux"
et des handicaps ») et en tout cas
toujours stimulants, par exemple avec
« Voyous de velours » évoquant
la nature ambiguë du rejet de la
norme exprimé par les skinheads
anglais de la fin des années 60.
Toujours avec une préoccupation
centrale : cette question de la norme,
et donc de l’adhésion, des
refus et des déviances qu’elle
implique.
Ce sont là des questionnements
qui nous concernent tous très directement.
Il suffit pour s’en convaincre de
regarder les programmes télé
: pas une semaine sans reportages sur
la chirurgie esthétique, les régimes,
le piercing, le transsexualisme, le dopage,
le vieillissement du corps ou les modifications
génétiques ; pas une émission
de variété, une publicité
ou un clip vidéo sans images enfonçant
le clou des canons de la perfection corporelle. |
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Isabelle Pautrat, Ras
l’front, n°
96
Octobre-novembre 2003
Modifications
corporelles ?
Les atteintes
volontaires au corps «
naturel » sont généralement
jugées comme désobéissance
à l’ordre établi
(social, divin, familial…),
mais qu’est-ce qu’un
corps naturel ?
Le corps est en effet le résultat
de modifications corporelles
permanentes (maquillage, bronzage,
gestion du poids…) et
volontaires. Certaines sont
admises voire utiles pour
s’intégrer (hygiène
corporelle, souffrance valorisée
de l’effort physique),
d’autres sont qualifiées
d’extrêmes et
d’inutiles socialement
(douleur des tatouages, automutilation
s’opposant à
l’intégrité
physique, revendications politiques
ou religieuses de la chevelure,
pratiques sexuelles sado-masochistes…).Les
modifications corporelles
contemporaines peuvent-elles,
tout en « infléchissant
son destin anatomique »,
être lues comme des
stratégies identitaires,
esthétiques et politiques
en interrogeant la notion
de normalité corporelle
? |
C’est l’hypothèse
que tente d’explorer ce numéro
: c’est à travers les pratiques
extrêmes que la normalité
sociale du corps peut être réfléchie.
Si le corps a une importance croissante
dans nos sociétés médiatiques,
il entraîne aussi des réactions
quasi viscérales de rejet, d’angoisse
devant certaines pratiques (piercing,
implant, scarifications…). Quel
est le sens de certaines pratiques et
leurs effets dans le champ social : sauvegarder
sa cohérences intime en refusant
un corps maîtrisé. Lutter
contre les discriminations (concernant
le corps trop gros, handicapé)
? rechercher de nouvelles sensations corporelles
? Refuser de s’inscrire dans un
modèle masculin de virilité
? Retravailler son corps pour en faire
un « théâtre érotique
» ? etc.
Ce numéro de Quasimodo, superbement
illustré, explore ainsi une large
palette de modifications corporelles afin
d’en repérer logiques et
enjeux. |
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La revue Quasimodo vient
de sortir un numéro spécial
sur les modifications corporelles. Cette
production (qui s’apparente plus
à un véritable ouvrage
de référence de près
de 400 pages sur le sujet) aborde la
question centrale de la place du corps
dans la société.
En effet le corps, ce « corps
» que nous possédons tous,
nous est en fait devenu tellement familier
qu’il finit souvent par passer
inaperçu, comme allant de soi,
et nous le vivons dès lors comme
un élément essentiellement
familier, intime alors que... alors..
qu’en fait – et c’est
ce qu’interroge en profondeur
cet ouvrage collectif – le corps
humain bien au-delà de sa sphère
intime représente également
une dimension collective, sociale, au
sens où il est perçu,
analysé, en fonction de normes
constitutives d’un ordre existant,
et que le corps et ses représentations
constituent donc bien un enjeu collectif
majeur (une question de survie ?) pour
la société basée
sur le respect de ces normes.
Un enjeu politique entendu au sens «
politique = vie de la cité »
Les modifications corporelles les plus
diverses que des gens effectuent constituent
de fait des messages adressés
au monde qui les entoure, des messages
de séduction ou de provocation,
qui répondent/résonnent
à des normes édictées
à un moment donné afin
de régir le « beau »,
le « séduisant »,
l’acceptable, l’intégrable..
Le corps constitue ainsi une arme et
le vecteur d’un message d’une
portée infiniment plus vaste
qu’un simple choix esthétique
inoffensif.
L’exemple du look et des rites
corporels adoptés par certains
groupes minoritaires (punks, gothiques,
skinheads, ravers…) ou ethniques,
l’évoquation du rôle
la chevelure comme mode de contestation
radical dans les années 70 (les
« cheveux longs » contestataires
contre l’ordre établi des
cheveux courts...), des codifications
corporelles très strictes dans
le monde sportif, et mille autres exemples,
illustrent tout au long des 400 pages
du livre l’importance capitale
du corps comme élément
de structuration de ce « corps
social » (tiens, tiens..) nommé
société.
Le corps intime n’est pas –
et ne peut être – traité
de manière « neutre »
par l’ordre social tout simplement
parce que visuellement il confirme ou
infirme la valeur du message véhiculé
par la société. Il porte
témoignage... |
Arborer un tatouage ou des
percings, être gros, afficher des
habits, un look, en décalage avec
l’image de son sexe officiel ou
de son âge constituent autant de
signes explicites qui seront immanquablement
perçus comme des « défis
» politiques à l’ordre
esthético-social existant, des
signe de déviance... alors même
qu’ils n’auront pas forcément
cette signification consciente chez celles
et ceux qui les mettent en œuvre
!!!
Au delà d’une réflexion
intellectuelle poussée et omniprésente,
fortement (et joliment) illustrée
d’images et d’exemples historiques
réels (comme la tonte systématique
utilisée en tant qu’humiliation
dans la guerre civile espagnole, dans
les camps d’Auschwitz ou à
la libération de Paris en 1945…)
ces questions sur les modifications corporelles
interpellent fortement le mouvement de
la Size-Acceptance sur la signification
même de la grossitude pour les gros
eux même, et pour la société
qui a édicté en valeur absolue
à un moment donné du temps,
la minceur comme synonyme de beau et d’intégration.
Une réflexion de fond sur ces questions
démontre en effet que les questions
de la grossitude et de la discrimination
qui en constitue aujourd’hui le
triste corollaire- ne peuvent se limiter
à une approche simplement médicale
et esthétique mais bien également
sociale et politique.
Comment en effet une société
qui déclare à longueur de
médias faire de la « guerre
à l’obésité
» sa priorité de santé
numéro un pourrait t-elle ne pas
réagir avec violence et intolérance
face aux gros ? Ceux-ci ne lui renvoient-ils
pas (involontairement certes pour la grande
majorité d’entre eux, mais
pas tous…) à la face, l’échec
de cette volonté farouche de normalisation
?
Le corps gros ne constituerait-t-il pas
en quelque sorte à ce jour –
de par son existence même –
une marque de défiance, de refus
de la norme, une rébellion visuelle
contre le « beau », le «
sain », bref tout ce qui est censé
faire rêver et fédérer
le bon peuple ?
L’ouvrage suggère toutes
ces questions et bien d’autres…
il constitue de ce point de vue un livre
indispensable pour mieux comprendre cette
dimension de nous si proche et pourtant
si mal connue… notre corps et ce
qu ‘il veut exprimer à travers
ses modifications..
Un pur morceau de passion à dévorer… |
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