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N°5 Art à contre-corps
2e édition 1999, 192 pages, illustré, ÉPUISÉ.
Intégralité du numéro en ligne
, voir sommaire ci-dessous.

C’est parce que nous sommes habitués à voir s’étaler un peu partout la beauté lisse et rassurante de corps parfaits que ce numéro explore les démarches artistiques qui viennent bouleverser des représentations monolithiques et dominantes des formes (fascistes, sexistes, naturalistes).
La mise en scène très violente des corps et la déformation volontaire infligée aux canons esthétiques peuvent choquer nos manières de percevoir et le bon goût auxquels nous avons été éduqués. Il n’en demeure pas moins que les artistes réfractaires à l’art officiel ont le mérite de provoquer en nous un questionnement radical sur les catégories du beau et du laid, sur le plaisir et le déplaisir, sur l’attirance et la répulsion. Ils combattent ainsi toute momification du jugement. De plus, ils et elles interrogent profondément les rapports sociaux qui s’instaurent chaque jour entre les individus. Là où le monde contemporain virtualise les corps et façonne les comportements, ces artistes font surgir un corps inattendu et suffisamment emprunt d’étrangeté pour nous rappeler, malgré toutes nos résistances, sa problématique et inévitable présence.

Sommaire

Frédéric Baillette
Vincent Breye
Didier Herlem
Frédéric Baillette et Philippe Liotard
Ian Geay
Otto Mühl (entretien de Daniele Roussel)
Otto Mühl
Michel Onfray (entretien de Daniele Roussel)
François Py
Quasimodo
Emmanuel Grez
Sylvie Léonard
Esmeralda
Orlan
Jérôme Maigret et Cécile Perchet
Made in Éric (entretien de Laurent Goumarre)
Stelarc (entretien de Jacques Donguy)
Teresa Macrì
Philippe Liotard
Bob Flanagan
Esmeralda et Quasimodo
Stéphane Napoli
Pierre Gringoire

Autres textes disponibles sur le web, pour prolonger la réflexion

Orlan (site d')
Marcel Lí Antúnez Roca (site de)

Dans la presse

Frédérique Pascale, Le Monde de l'Éducation,
Décembre 1998

Le corps de l’art

Des Ménines de Vélasquez aux Ready-made de Ducamp, l'histoire de l'art n'est faite que d'actes de rupture, de révolte, de délinquance contre l'ordre établi. En ce sens, il n'y a pas d'art sans violence. Mais que se passe-t-il lorsque « le corps, la chair, les boyaux, ses liquides et ses sécrétions, ses déchets et déjections deviennent matériaux artistiques » ?
En consacrant son numéro à l'art corporel, la revue Quasimodo n'apporte pas seulement sa pierre aux débats sur l'art contemporain, elle donne en même temps de l'intelligence à des manifestations dérangeantes, dont la valeur proprement artistique peut échapper.
Quand Gina Pane, remplaçant le pinceau par la lame de rasoir, se lacère en public le visage ; quand Stelarc se suspend le corps par des crochets plantés à même la chair ; quand Michel Journiac offre du boudin à partir de son propre sang aux spectateurs médusés ou qu'Otto Mühl défèque, urine, copule sur scène, on peut crier à « l'imposture ».

On peut également y voir des actions protestataires contre ce que Dubuffet, l'initiateur de l'art brut en France, appelait « l'asphyxiante culture ». La valeur politique de ces manifestations ne fait alors aucun doute. Tel est le point de vue du philosophe Michel Onfray, qui voit dans l'actionnisme viennois, un mouvement né au début des années 60, une « entreprise esthétique de dénazification ».
Dans un pays qui, contrairement à d'autres, n'a pu se « purger » d'un passé délétère, ces mises en scène auraient un rôle libérateur pour déjouer les puissances du négatif. [...] Au-delà de la question artistique, ces exhibitions évoquent la place faite au corps dans une société placée sous le diktat de la santé, de la jeunesse et de la beauté. [...] L'artiste « proclame le droit de décider d'avoir un corps résolument divergent, hors des normes occidentales ».
Mathieu Renard, L’Œil Électrique, n° 7
15 avril-15 juin 1999

Pour tenter de comprendre la place du corps dans l'art du 20e siècle, Quasimodo donne la parole dans son numéro 5 à des historiens d'art, des universitaires, des passionnés anonymes et propose aussi des interviews et textes d'artistes, sur une thématique vaste : pourquoi cette nécessité de travailler avec et/ou sur son corps pour des artistes de notre siècle ? Respectant une chronologie (non exhaustive) à travers les cent dernières années, les différents articles pointent avec justesse l'importance du contexte social, économique, politique dans lequel se met en place telle ou telle démarche artistique.
Refusant sans complaisance « un art facile à comprendre parce qu'il n'y a rien à comprendre », les artistes ne s'intéressent pas à l'image stable, rassurante et saine du corps humain (sauf, évidemment, dans l'article de Didier Herlem sur la sculpture du Troisième Reich). L'intérêt de leurs démarches marginales, marginalisées voire marginalisantes pour certains (Otto Mülh, actuellement en prison, semble avoir confondu sa « théorie des orgies » avec un droit de cuissage sur jeunes filles) est de prendre à contre-pied les représentations dominantes et rassurantes du corps.
À travers des références au cinéma gore, au sadomasochisme, ainsi qu'aux happenings, events, performances et autres actions, les articles démontrent une volonté de sortir du cadre classique : le spectateur est souvent pris à parti pour mieux appréhender la réalité de l'acte créatif.

Toucher aux corps dans l'art c'est faire appel concrètement aux sens : giclures, excréments, cris, mouvements, odeurs touchent le spectateur au sens propre et figuré. Graphisme – Dessins, photos, tracts, cartons d'invitation, photomontages foisonnent dans ce numéro. Une mise en page classique mais aérée, des annotations fréquentes mais nécessaires. Le papier, légèrement rugueux donne une impression cutanée assez cohérente avec le contenu de la revue. Dommage pourtant que la couleur n'y ait pas sa place. Une revue formellement sobre et sans fioriture pour toucher souvent avec excitation le fond, charnel.
Dense en informations, riche en analyses, ce numéro ne se lit pas d'une traite, mais les textes sont clairs et abondamment illustrés. Les différents chapitres insistent toujours avec justesse sur le lien entre la vie de l'artiste et sa pratique. Les diverses activités privées et publiques de Bob Flanagan, Supermasochiste, sont particulièrement éclairantes dans ce domaine. Vivre l'art et questionner la vie, tel est le propos ambitieux de la plupart de ces artistes. Art à contre-corps ne cherche pas à nous montrer ce que nous ne voyons pas mais bien ce que nous ne voulons pas voir. Un travail militant et ambitieux qui fait mouche.
David Le Breton, Cultures en Mouvement, n° 14
Février 1999

Corps : provocations et surenchères

Il s’agit d’un remarquable dossier sur certaines formes extrêmes de body art qui subvertissent en profondeur les rapports sociaux et personnels, les valeurs culturelles, le corps, la douleur, la violence, le genre sexuel, les matières corporelles, l’identité, la sexualité, etc.
Pour Jean Maisonneuve, « animalité, exploration, effraction, mortification » apparaissent essentiellement comme des moyens d’attestation voire de provocation. Par ce rappel lancinant du corps, c’est d’abord une présence qui est restituée.

Aux antipodes de l’abstraction et de l’art conceptuel, les plasticiens veulent en quelque sorte, à travers ce nouveau pathos, nous « mettre sous le nez » celui qu’on tendait à oublier ou à désanimer sous l’artifice : ce corps laid, banal, quotidien, mouvant, souffrant, rien plutôt qu’un corps esthétisé et par suite distancié comme on l’a vu par une sorte de cuirasse.
Le body art est une zone de ruptures, d’interventions, d’expérimentation sur soi dans une surenchère qui suscite le trouble.
Dans ce volume, on lira notamment des analyses de l’œuvre de Orlan, Stelarc, Macri, Flanagan, de l’actionniste viennois, etc. ou des entretiens avec ces artistes qui réfutent dans leur chair « les effroyables limites du corps humain » (Kafka).
 
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